Une fois n’est pas coutume, je laisse la place à quelqu’un d’autre, ma douce et tendre, manifestement inspirée par Paris Web.
Au début, même Google est une planète extraterrestre, et Wikipédia le nom d’un zoo. Faire une recherche par mot clé reste encore compliqué et j’ai souvent besoin de mon mari, car sinon je reste au point mort.
Bref, quand mon mari a commencé son boulot de développeur web, autant dire qu’il passe du côté obscur.
Moi, je suis infirmière en chirurgie, du concret avec des gens vivants et des problèmes concrets avec des protocoles connus et des manières de travailler codifiées.
Du code mon mari en fait, mais dans des langages que même Maître Yoda ne connais pas. HTML, JavaScript, CSS et des domaines divers et variés que personne ne sait à quoi cela correspond. Web design, qualité, sécurité, graphisme, intégrateur front, back, chef de projet, accessibilité, responsive…
Vous surfez tranquille sur internet sans vous douter que tout cela ce cache derrière ce que vous regardez…
Il est quoi ?
Maintenant, moi ce que j’adore répondre quand on me demande ce que fait mon époux, c’est « développeur guichet »… Et là, les yeux s’agrandissent, et la bouche reste ouverte…
« Développeur web ? » Pas mieux.
« Il crée et gère des sites internet ». Là, c’est déjà mieux, mais pas encore très clair. Bien souvent dans les démarches administratives il n’y a même pas de case correspondante.
« Il travaille dans l’informatique ? J’ai un problème avec mon ordi… »
Non, il n’est pas technicien réparateur, mais développeur… L’informatique, mot générique qui regroupe tout et n’importe quoi pour le commun des mortels. Mais non, ces professionnels du web ne sont pas des touche-à-tout sur le matériel. Cet impasse linguistique contribue à l’incompréhension de ces métiers.
Une perturbation dans la force
Mais bon, un peu plus sérieusement, après des années de vie commune, je deviens très critique quand je surfe tranquille.
Rien ne s’affiche comme cela devrait, impossible de surfer correctement selon le support. C’est quoi ce menu de m… qui ne défile pas correctement ou pourquoi quand je change de colonne le menu disparaît. En plus, comme mon chéri fait des conférences, j’écoute de manière distraite mais je trouve encore le moyen de donner des conseils alors que sur le fond… je n’y comprends rien. CSP, c’est pas des Cadres Sociaux Professionels ?
Pour finir, je porte des vêtements qui à mon boulot ne veulent rien dire, mais dans l’univers de mon amour tout est plus clair. Je porte un t-shirt avec un singe, non c’est un logo de mail, ton t-shirt ne veut rien dire, trop sympa le jeu de mot en code… Sympa tes lunettes, mais les couleurs sont spéciales… ah le « W » c’est WordPress ?
Comme quoi même l’univers du code a ses propres codes.
Rejoins-moi du côté obscur
Bref, j’ai mis un pied moi aussi du côté obscur. Sans vraiment en avoir conscience mais en plus sans vraiment être consentante. Mais à l’insu de mon plein gré quand même. C’est bien moi qui ai posé des questions et cherché à comprendre le métier de mon mari.
Oui, ce n’est pas physique, mais la pression de la mise en ligne, des exigences peu précises ou trop du client, les contraintes de la présentation du site ou des impératifs du langage utilisé et vous obtenez une boule de stress, de pression et de défauts de communication aboutissant à des situations problématiques. Cela, personne ne le comprend pour eux. Combien de fois ma famille m’a sorti :
« mais c’est pas fatigant, il est sur un ordi toute la journée ».
Un geek pour moi, c’était le cliché classique, un mec maigre pâle solitaire accro aux écrans, ne sachant parler que de trucs hyper compliqués. Mais dans la réalité, il n’en est rien, tout ce petit monde de passionnés et compétents chacun dans leurs domaines respectifs est avide de partager et de compléter leurs connaissances et leur savoir-faire. Parfois à un point difficile à imaginer, cela fait partie de leur ADN. Et ils sont chiants, car s’ils n’apprennent pas, ils deviennent comme des lions en cage.
Ô miracle, la plupart ont une vie sociale, de famille… Bref, le cliché tombe, comme celui de l’infirmière nue sous sa blouse. Oui, vous n’êtes pas les seuls à avoir des clichés sur votre profession.
Encore plus hallucinant, il est branché qualité web, et on est capable de discuter qualité… de soins. J’ai du mal à le croire quand je lui parle de la qualité des soins à domicile que je veux atteindre, et qu’il me répond : j’ai l’impression que tu me décris mon métier. Et le pire, c’est qu’il met des mots sur les questions que je mets sur la qualité des soins.
Mais on est de quel côté en fait ?
Tout cela pour dire qu’il est parfois difficile de comprendre les méandres de ces métiers du web et de l’engagement que cela demande pour rester à niveau dans un milieu où tout évolue rapidement et où la formation se développe tout doucement.
Il est important, je pense, de conserver ce mouvement d’émulation et de partage. Tout cela reste subjectif puisque je suis extérieure à ce petit monde, mais c’est ce que je ressens. L’union fait la force.
Même si, du mon point de vue d’épouse, ce temps-là nous est un peu volé. Bref, même quand on comprend, on n’est pas toujours d’accord malgré tout. Sans blague.