Cela me plait de croire à ce « mensonge »

Cela me plait de croire à ce « mensonge » (le 29 juillet 2013)

Curieuse coïncidence de l'écriture, j'avais envie d'écrire un billet sur la vérité et le mensonge, et j'apprends qu'un blog assez étonnant sobrement nommé « le blog d'un condamné » a été en fait écrit par un certain Ploum.

Je suis assez surpris qu'il en soit l'auteur, le connaissant plutôt pour ses traits d'humour linuxiens, entre autres. Si vous ne connaissez pas ce blog d'un condamné, le sujet est simple : l'auteur a appris qu'il va mourir dans 30 jours, donc potentiellement chaque billet est son dernier. Au fil des jours, on va apprendre les questions qui lui passent par la tête.

Le blog en question a connu un certain succès, ayant plus de 8000 suiveurs sur Twitter par exemple.

Curieusement, un aspect m'a surpris : de très nombreux gens se sont d'abord posé la question de savoir si ce condamné était une personne réelle ou fictive. Certains sites ont même longuement étayé sur le sujet, souvent même plus que sur le propos lui-même.

En fait, quelque part, cela me dérange. À croire qu'une histoire ne peut être que vraie ou crédible que si elle est racontée par quelqu'un qui vit vraiment cette histoire. À croire qu'aucune histoire fictive ne puisse véhiculer une vérité. Vous vous imaginez dire à la Fontaine « mais un Renard et un Corbeau qui parlent, c'est un mensonge !» ?

Pourtant, sans avoir envie d'expliquer longuement pourquoi, j'ai la conviction que certaines personnes pourront se poser les mêmes questions que ce condamné dans un cas de figure analogue. Planter des légumes et se dire qu'on ne sera pas là pour les récolter. Avoir un bébé et se dire qu'on ne sera pas là quand il passera son bac par exemple. Ou encore se dire qu'un visage aimé puisse être vu la dernière fois. Prendre réellement conscience de sa « finitude » est une expérience assez singulière, pas forcément traumatisante ou terrifiante.

La seule conclusion que j'ai, c'est que si on me disait que je n'avais plus que 30 jours, je me rendrais compte que je n'aurais pas assez de 2 vies pour m'occuper de l'essentiel.

Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit : je suis au courant qu'on trouve tout et n'importe quoi sur Internet, c'est même Abraham Lincoln qui l'a dit le premier.

Je ne sais plus qui a dit : « les poètes utilisent le mensonge pour dire la vérité ». J'aime cette citation. Je peux tout à fait avoir conscience qu'on me mente, et pourtant voir une vérité dans le propos. Ce qui m'effraie, c'est qu'il n'y ait un jour plus de personnes intermédiaires entre « je crois aveuglément tout ce que je lis » et « je ne décortique que l'origine du propos ».

À titre personnel ou professionnel, je mens tout le temps. Quand je prends une métaphore pour expliquer quelque chose à un client qui ne comprend rien aux sites Web, c'est un mensonge. Quand je dis à un gamin qu'il doit être sage pour que le Père Noël lui apporte ses cadeaux, c'est un pieu mensonge (tout le monde sait que c'est le Saint-Nicolas qui récompense les bons élèves). Et pourtant, il y a bien une part de vérité là-dedans.

Un dernier exemple : lors de la Kiwi Party, j'ai pu discuter avec un de mes héros du Web, à savoir Tristan Nitot. Nous parlions d'un excellent orateur – non présent – dont je suis très admiratif, notamment pour ses capacités de communication et sa capacité à faire des présentations improvisées au dernier moment digne d'un grand conteur. Tristan m'a dit « tu sais, c'est une impression, il doit sûrement stresser ».

Bien sûr.

Mais cela me plait de croire à ce « mensonge ». Car si je pense que cette personne le fait, alors je crois que je peux essayer aussi.

2 commentaires

Posté par galex-713 le 29/07/2013 à 23:00:33
Sujet intéressant (sourire) c’est un chouette article. Néanmoins avec un tel sujet je dois dire que je m’attendais à mieux… On pouvait tellement plus approfondir sur la « réalité » de l’histoire du blog d’un condamné… Sur le fait qu’elle n’a là aucune importance, que de toute façon, réelle « dans notre monde » ou non, elle est réelle : soit en matière réelle dans ce monde, soit dans l’imaginaire d’un écrivain brillant. Au fond ça ne change rien à sa nature, les personnages existent, ne serait-ce que dans la pensée d’un autre homme.

Comme je le disais en commentaire de l’article de Ploum :
Remarque que j’y croyais relativement… Enfin… qu’il y ai réellement un condamné écrivant ces lignes n’a pas d’importance : des condamnés, il y en a ; un gars écrivant ces lignes, il y en a aussi un ; c’est tout ce qui importe. Est-ce que c’est réel ? Bien sûr que c’est réel ! Cela ne peut être que réel : soit dans notre réalité de matière et de société humaine, soit dans la réalité de l’esprit d’un écrivain brillant. Ce personnage existe-t-il ? Mais certainement ! Ne serait-ce que dans l’imagination d’un auteur pensant ! Mais dans notre monde ? Ce personnage, s’il est imaginaire, ne peut que dériver d’une réalité observée, étudiée, refaite, remixée, rapportée. Quoi qu’il en soit, cela n’a pas d’importance, je lis ces lignes, et — ne connaissant la réponse — l’effet est le même, le message est le même, les émotions sont les mêmes, la vie est la même.
Il y a néanmoins une chose qui avait de l’importance : la preuve que l’on peut rester matérialiste dans un tel état, alors même que l’euthanasie devient acceptable.
Posté par karl le 31/07/2013 à 14:07:26
J'ai partagé l'affaire KC ou Kaycee qui avait fait couler beaucoup d'encre numérique en 2001 sur les carnets francophones du moment.

Un peu hors sujet sur ton billet mais comme tu mentionnes

Pour ce qui est de raconter des histoires, les circonstances de la narration changent beaucoup de choses. Je suis pour ma part plus confortable en face de 1000 personnes que de 10. La relation n'est pas tout à fait la même. En revanche, la relation à 10 personnes est souvent plus intéressante quand il y a un dialogue.

Le stress, je suis à peu près sûr que tout le monde en a mais pas dans les mêmes circonstances et pour les mêmes enjeux. Le stress d'improvisation n'existe pas, c'est même le lieu où je suis le plus confortable *mais* il y a une condition essentielle : le retour ou le dialogue. Allez sur une scène, ou être dans une salle avec d'autres personnes pour être dans une situation de dialogue, c'est magnifique. Il n'y a pas de performance, nous sommes tous là pour échanger, pour communiquer, etc. Respect mutuel de tous envers tous.

Les situations où je stresse, une conférence trop préparée à l'avance. Je définis soudainement une responsabilité (idiote) de devoir satisfaire qui est destructrice. Le moment de stress de quelques jours à 30s après le début de la présentation. Une fois que c'est parti, plus de stress.

Les moments favoris d'interaction aux conférences : les ateliers avec du dialogue, pas de maîtres, pas de serviteurs. Juste un échange entre personnes à propos d'un sujet. C'est mieux de me placer en animateur de la discussion, car je suis une piplette passionnée et la passion m'emporte un peu… trop parfois (exemple Paris Web l'an dernier).

Les moments terribles d'interactions aux conférences : les breaks. C'est con mais j'ai l'impression de déranger. Je ne sais jamais si je vais importunner les autres bien que j'aimerais savoir comment ils travaillent, ce qu'ils font etc. donc le stress encore comme avant le moment et non pendant le moment.

Ajouter un commentaire









L'option « Se souvenir de mes informations » utilise un cookie, elle ne sera pas effective si vous les avez désactivés.

Les balises HTML ne seront pas interprétées, il est donc inutile d'en mettre. Par contre, les sauts de lignes de votre commentaire seront pris en compte, ne mettez donc pas de <br />, le site s'en chargera. Bien sûr, un commentaire vide ne sera pas ajouté !

L'auteur (autrement dit moi) n'est pas responsable des éventuelles fautes d'orthographe dans les commentaires.
Tout propos raciste et/ou insultant sera supprimé sans préavis. Les commentaires hors de propos destinés à faire de la pub pour des sites seront également supprimés sans ménagement.

Je vous prie de me pardonner, j'ai énormément de mal à lire le "langage" SMS, il n'est donc pas du tout interdit de s'abstenir de l'utiliser. Qui plus est, vous avez sûrement un clavier digne de ce nom et pas celui d'un téléphone portable. Ne vous gênez pas pour utiliser l'option "Prévisualiser" si vous voulez vous relire avant de poster, je vous en remercie d'avance !

Cet article a été écrit par Nicolas Hoffmann.

Ce site est la propriété de Nicolas Hoffmann.
Tous droits réservés, les textes du blog sont publiés sous licence CC BY-NC-SA.