Créatif et rigoureux : de la pure magie d'intégrateur

Créatif et rigoureux : de la pure magie d'intégrateur (le 7 décembre 2012)

Je vois souvent dans le métier une opposition assez nette entre les graphistes et les développeurs/intégrateurs. Chacun a ses clichés (plus ou moins vrais, vous pouvez troller en commentaire si le coeur vous en dit) :

  • Les designers/graphistes sont créatifs, ils ont les idées, mais ils sont bordéliques et inconstants quand il s'agit de dealer avec les intégrateurs.
  • Les intégrateurs sont plutôt rigoureux (à la limite du psycho-rigide pour certains), hyper-carrés, mais pas très créatifs. Du coup, ils sont souvent taxés de brider les graphistes et de leur gueuler dessus en permanence.

En fait, on présente souvent un antagonisme entre ces deux métiers, et c'est entretenu par une espèce de mirage dans l'inconscient collectif, à croire qu'un bon designer/graphiste ne peut pas être rigoureux dans son métier (ils apprécieront), et à croire qu'un intégrateur n'a aucune créativité (idem, ils apprécieront).

Quand je discute avec des débutants, ce mirage est toujours bien ancré, combien de fois ai-je entendu : «  je veux créer, donc je veux être graphiste. » ou « je suis nul en créativité, je préfère intégrer ».

Alors, je suis désolé, je vais tuer un mythe : être designer/graphiste demande une sacrée dose de rigueur, et être intégrateur demande également une créativité parfois exacerbée.

Pour ma part, je me sens plus intégrateur (parlons des choses que je connais). Et disons-le net, j'adore ce métier car il m'apporte ces deux aspects : une certaine rigueur et de la créativité. Au lieu d'être antagonistes, ces deux aspects se complètent et se nourrissent.

En fait, on a tendance à croire que les contraintes brident la créativité. Par exemple, que devoir faire un site qui s'affiche correctement sur les différents navigateurs tue la créativité de l'intégrateur. Je pense que c'est tout à fait le contraire, les contraintes d'intégration nourrissent la créativité. Quand je commence l'intégration d'un site, je vois un puzzle géant de toutes ces « contraintes » : accessibilité, dégradation gracieuse, amélioration progressive, rendu multi-navigateur, performances, version imprimable, adaptation aux résolutions, etc. et le tout… en temps limité (hé oui, c'est un travail, donc ce n'est pas à temps perdu).

C'est dans ce puzzle de contraintes que la créativité de l'intégrateur va pouvoir et devoir se déchainer. Et plus il sera rigoureux dans son travail, plus il va pouvoir user et abuser de solutions élégantes, parfois inattendues.

La plus belle remarque que je peux entendre à propos de mon travail est la suivante : « tu as fait ce truc génial avec juste ça ? C'est de la pure magie. ».

Je me permets de citer un expert accessibilité qui se reconnaitra : le vrai créatif ne fuit pas les contraintes, il les sublime. Sans contrainte, pas d'art.

9 commentaires

Posté par Victor Brito le 07/12/2012 à 13:38:09
Puisque tu parles d'antagonisme entre créativité côté graphistes et rigueur côté développeurs, tu oublies qu'il existe des profils polyvalents susceptibles de savoir conjuguer ces deux pôles, notamment des webdesigners qui, tout en faisant preuve de créativité parce qu'ils créent des créations graphiques (du moins, sont censés le faire), sont suffisamment rigoureux pour tenir compte des contraintes spécifiques au médium Web, au point, pour certains d'entre eux, d'être capables d'intégrer eux-mêmes leurs propres créations graphiques. Même s'il est vrai que la tendance est, depuis quelques années, à la spécialisation des profils, surtout dans les agences dont la taille devient conséquente et qui vont même jusqu'à cloisonner les différents profils (soit dit en passant, j'estime qu'une telle tendance a du bon, d'autant qu'il est extrêmement difficile à la fois d'être polyvalent et d'exceller d'une égale excellence dans chaque domaine auquel on touche), il convient de souligner cette particularité parmi les différents métiers du Web.

Cela dit, quand tu parles de créativité pour un intégrateur, je ne crois pas que le mot créativité soit le plus approprié. Très souvent, l'intégrateur n'est qu'un exécutant et qui dit exécution dans un domaine professionnel dit absence de création. Les exemples que tu cites (compatibilité entre navigateurs, accessibilité, performances) nourrissent davantage, à mon avis, la faculté de trouver des solutions ou des compromis que la créativité à proprement parler. Je serais tenté de parler plutôt d'ingéniosité, si ce terme n'est pas trop fort.
Posté par Nico le 07/12/2012 à 13:41:42
J'ai schématisé volontairement pour que l'article ne fasse pas 10 km de long (clin d’oeil)

Pour ce qui est de l'ingéniosité/créativité de l'intégrateur, cela vient p-e aussi du fait que je suis en petite agence avec une certaine liberté de manœuvre, moins qu'en structure plus "stricte".
Posté par Victor Brito le 07/12/2012 à 14:00:28
Il y a, certes, le fait que tu es en poste dans une agence où l'on te donne parfois carte blanche pour certains aspects de l'intégration, comme l'application des principes du responsive design, voire (je l'ai remarqué dans tes références (clin d’oeil) ) l'utilisation en production de ton RÖCSSTI.

Mais, cela peut venir aussi du contexte de chaque projet et du degré d'ouverture d'esprit des différents interlocuteurs : si, pour un projet donné, le client ne veut pas entendre parler de dégradation élégante, d'amélioration progressive ou de je ne sais quelle initiative permettant de lâcher prise ou de trouver des solutions auxquelles personne avant l'intervention de l'intégrateur n'a songé, ce dernier verra sa part d'ingéniosité réduite à néant, contraint d'exécuter rigoureusement la créativité des graphistes telle que validée par ledit client.

Et je ne parle pas de la plupart des projets où l'intégrateur n'a jamais voix au chapitre lors de phases préparatoires, qu'il s'agisse de la participation à l'élaboration du cahier des charges (du moins, de la partie technique), de l'arrêt des spécifications techniques, de la conception des wireframes ou de je ne sais quelle étape avant l'intervention du graphiste… Bref, un soupçon d'entretien d'antagonisme graphistes / développeurs (ou créatifs / exécutants) susceptible de générer de la frustration, quand bien même l'intégrateur n'aurait jamais voulu être un artiste faisant son numéro de création graphique.
Posté par Nico le 07/12/2012 à 14:17:53
Cela arrive aussi, des fois c'est "exécute bêtement ça". Je trouve cela dommage, car la plupart du temps, on a de bonnes choses à apporter. Surtout en amont où on évite des gadins lamentables à certains projets.

En même temps, quand on me demande d'être bête et méchant, j'insiste bien sur "c'est cela que vous voulez à tout prix ?". Après, si le client décide de ne pas tenir compte de mes commentaires/remarques, il n'y a pas de souci, mais il ne faut pas venir pleurer après. (sourire)
Posté par Victor Brito le 07/12/2012 à 15:02:29
Et quand bien même un intégrateur aurait de bonnes choses à apporter, montrant ainsi son implication dans les projets sur lesquels il intervient, voire dans la vie de l'agence qui l'emploie, il reçoit parfois des réponses allant dans le sens contraire ou surprenantes, lui donnant parfois l'impression d'être pris pour un con. Et quand il y a un mur de ce genre, force est de constater, malheureusement, qu'à laver la tête d'un âne, on perd sa lessive.
Posté par Nico le 07/12/2012 à 15:21:53
C'est bien pour ça que quand je vois que j'ai affaire à des personnes butées, je pose la question franchement, et au moins, je sais à quoi m'en tenir. Par contre, je me transforme en simple exécutant. (en colère)
Posté par Gaël le 10/12/2012 à 10:25:46
Article intéressant encore une fois, et aucun troll en commentaire (!).

Je suis tout à fait d'accord sur l'importance des contraintes pour la création : je peste souvent quand je reçois un brief créa d'une ligne et qui signifie " carte blanche". Si par malheur je me lance dans mon approche graphique de cette façon, je suis sûr à 100% que ma proposition sera rejetée avec en commentaire : "On ne voyait pas ça comme ça". Diantre, mais j'avais carte blanche !

Pour rejoindre Victor Brito, je travaille justement dans une toute petite agence, et je me charge du graphisme & de l'intégration. Et c'est réellement enrichissant ! J'essaie de ne pas partir dans des délires irréalisables, tout en me lançant des défis en tant qu'intégrateur afin de trouver des solutions intéressantes.

De plus, côté intégrateur, l'aspect créatif peut se révéler indispensable dès lors qu'on parle d'interaction : il m'arrive d'intégrer des créas d'autres graphistes, et je dois régulièrement demander si un bête roll-over sur le menu a été prévu par le graphiste. Et bien souvent, la réponse est non. Pas plus qu'un changement de couleur pour les liens, ou les différents états des boutons.

Quand j'entends parler de ce débat - évoqué en introduction de l'article - j'ai l'impression d'être un ornithorynque qui visite un zoo : l'intégrateur et le graphiste sont les maillons d'une chaîne, ils sont indissociables et doivent travailler en équipe.
Posté par Victor Brito le 11/12/2012 à 2:31:18
@Gaël Pour la présentation des différents états des boutons, Fireworks est le meilleur ami du webdesigner. (clin d’oeil)

Digression à part, je constate que chaque fois que je croise quelqu'un qui se mêle à la fois de graphisme et d'intégration, il est convaincu que la technique et la créa se nourrissent mutuellement. C'est ce qu'a dit STPo sur son blog au détour d'un billet présentant le bilan de son retour en freelance à temps plein.
Posté par Alex!Alex! le 08/01/2013 à 10:46:57
Je lisais un bouquin sur le cerveau qui mettait en avant le fait que les artistes ont une approche bien plus rationnelle (les arts plastiques sont trés techniques en fait, voir les travaux de Klee sur le mnouvement) que l'on imagine, alors qu'un scientifique va être plus créatif et utilisé beaucoup plus son imagination (genre Einstein qui jouait du violon lorsqu'il bloquait sur un problème.

Cliché, cliché, tu fais plus de mal que de bien.

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Cet article a été écrit par Nicolas Hoffmann.

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