Alors, suite à une remarque lancée par QuentinC sur Alsacréations : L'accessibilité, on s'en fout ?, plusieurs réactions.
Déjà posons le contexte de mes réactions, je n'avais pas compris sur Twitter que l'intéressé était directement concerné par le sujet, étant selon ses paroles quasiment non-voyant. Donc, effectivement, ma parole était maladroite et a pu être mal comprise, et ça je m'en excuse. Sans aucune condescendance car je la maintiens, toutefois je vais l'expliquer ici bas.
Sophie Drouvoy a commenté cette remarque sur son blog, à lire de suite.
Stéphane Deschamps y est allé de son commentaire, fort intéressant également : Défaitisme et accessibilité.
Voici pêle-mêle les réflexions que cela me pose.
On s'en fout de l'accessibilité
« On » ? C'est qui « on » ? Moi, non.
Non, en dehors de tout affect, je pense qu'il ne faut pas s'en foutre. Objectivement. Ne serait-ce que pour des raisons de bon sens, se couper sciemment d'un public est un non-sens en matière de Web, qui est et doit être avant tout une solution universelle, même et surtout si elle est imparfaite. Comme je l'écrivais dans mon article sur les contrastes de texte sur OpenWeb :
Les problèmes de vue s’accentuant avec l’âge et le secret de l’éternelle jeunesse n’ayant pas encore été découvert, il est aisé de comprendre qu’un jour ou l’autre, inévitablement, la question de la lisibilité des textes va se poser à une grande majorité de personnes.
Évidemment, la phrase ne concerne que les contrastes, mais elle peut bien se généraliser à l'accessibilité. Sans être sourd, en roulant, je remarque que j'écoute la radio plus fort qu'il y a 10 ans, et je n'ai pas une voiture plus bruyante pour le justifier. D'ailleurs, j'ai des lunettes depuis quelque temps.
Mythes autour de l'accessibilité
Comme le dit très justement Stéphane, il y a un mythe autour de l'accessibilité : certes cela coûte moins cher de l'inclure dès le début, mais cela n'est pas gratuit pour autant.
Cela prend du temps en formation, en code, etc. rien n'est gratuit en ce bas monde.
Ajoutons à cela que le Web évolue très vite, et l'accessibilité suit ce rythme effréné, ce qui m'a été confirmé à la Conférence Romande sur l'Accessibilité du Web. Les nouveautés de HTML5, ARIA, le support de tout cela dans les aides techiques comme Jaws, etc. tout cela évolue à une vitesse très impressionnante. De l'aveu même d'un des plus grands experts accessibilité (Jean-Pierre Villain pour ne pas le nommer), on est sur une situation pas stable.
À mon sens, l'accessibilité ne gagnera qu'en rentrant petit à petit dans les mœurs, de la base vers les sommets. C'est mon approche en tout cas. Je constate qu'objectivement, ça rentre petit à petit, même si effectivement c'est loin d'être la panacée.
Une perte d'énergie
J'ai dit que le défaitisme est une perte d'énergie, énergie qui pourrait être mieux utilisée. Et je maintiens. Car selon moi, le temps qu'on passe à expliquer pourquoi on ne peut pas quelque chose peut être consacré à chercher comment le faire, ou même à le faire.
Comprenez ma façon de penser dans sa globalité : elle peut être extrêmement brutale, car cela implique que potentiellement rien n'est impossible, donc que cela ME force à me bouger le train. Et je peux vous assurer que c'est pas génial pour ma zone de confort ni pour ma fatigue, et parfois pour la zone de confort des gens autour de moi (collègues entre autres). Typiquement, quand je vois qu'un collègue ne veut pas faire un effort minime pour l'accessibilité, alors que je lui ai expliqué comment faire, ça me fout en rage.
Ajoutez à cette façon de penser que je préfère voir le verre à moitié plein.
Par contre, qu'on ait un passage à vide, un ras-le-bol, ça je peux le comprendre, qu'on ait un handicap ou non d'ailleurs, c'est humain, et je ne fais pas du tout exception. En soi, j'attaque le défaitisme, pas les personnes (je ne suis pas un monstre non plus :) ).
Une formidable leçon d'espoir
Comme le dit encore très justement Stéphane, « vous allez me dire que je fais dans l'affect ». En ce qui me concerne, je ne vais pas le nier, il y a une part d'affect dans la volonté d'améliorer l'accessibilité de mes sites. Effectivement, j'ai un problème quand je me dis qu'une personne que je connais, que j'ai rencontrée, que j'apprécie est bloquée par ma faute sur un site alors que j'ai une solution.
Tout comme Stéphane, quand je fais de l'accessibilité, je pense surtout à quelqu'un, je l'avais déjà écrit il y a presque un an dans un commentaire sur l'Accessiblog.
C'est pour cela que j'invite les gens ayant des handicaps à en parler, à nous montrer, à faire du mobbying, à nous expliquer, beaucoup plus (et sur ce sujet, ça m'a donné des idées). Les événements comme la Conférence Romande sur l'Accessibilité du Web sont formateurs, car enfin je peux comprendre et m'améliorer. Et surtout je peux voir. On peut bien me dire 100 fois qu'il faut mettre un label
pour lier un énoncé à un champ de formulaire, mais quand on me montre le réel bénéfice, je comprends.
Sans aucun angélisme (vraiment aucun), je trouve par exemple cela extraordinaire qu'un aveugle puisse surfer sur un site internet. C'est fantastique. C'est même pour moi une leçon d'espoir de voir cela rendu possible. Quand je m'aperçois qu'un commentaire sur mon site a été posté par une personne aveugle, je me dis que c'est génial, grâce à cela, je vais pouvoir discuter avec vraiment n'importe qui.
En soi, ça c'est pour l'affect. Pour mon côté pragmatique et pas du tout affect, je trouve cela sain dans le sens où cela supprime la discrimination, tant positive que négative. À mon avis, quand on se débarrasse de la discrimination, on vire aussi quelques cancrelats comme le misérabilisme, le politiquement correct, et ce n'est pas un mal de toucher ainsi du doigt le mot égalité.
C'est aussi pour cela que j'adore blaguer avec une certaine Sophie en lui demandant si elle fait la sourde oreille. Respectueusement, je chambre n'importe qui, et je vois pas pour une personne avec un handicap devrait y échapper. C'est une personne avant tout, et pas de discrimination, hop, blague pourrie pour tout le monde !